L'histoire de l'hébertisme
Georges Hébert (1875-1957) est considéré comme le découvreur de la méthode naturelle.
Avec sa femme Yvonne, il écrira 37 livres et il consacrera sa vie aux hommes, femmes et aux enfants.
Il est considéré comme l'un des pionniers de l'éducation physique et nous aimons considérer son œuvre comme l'art martial français.
Mondialement connu et reconnu jusque dans les années 60, sa méthode reviendra sur le devant de la scène dans les années 2000, répondant aux besoins de notre société.
Premiers essais et Première guerre mondiale.
Création des Palestras et développement de l'hébertisme en France.
Apogée et déclin de la méthode naturelle
Renaissance de l'hébertisme et de son savoir-faire
1875
Naissance de Georges Hébert
Né à Paris le 27 avril 1875, Georges Hébert intègre l'École navale à 18 ans. Lieutenant de vaisseau à bord des derniers navires à voile de la Marine Nationale Française, il passera une grande partie de sa jeunesse à parcourir le monde.
1902
Éruption du mont Pelée
Au début du mois de mai 1902, les bateaux de la marine à voile sont au mouillage à St Pierre de la Martinique. Or depuis avril, des signes de plus en plus nombreux laissent penser que la montagne Pelée, qui domine la ville, va entrer en éruption. Cependant la ville n'est pas évacuée à cause d'élections à venir. Le 8 mai 1902 une éruption explosive survient et la ville est rasée. C'est la catastrophe naturelle la plus meurtrière du XXème siècle.
Avec ses marins, G. Hébert sauve des centaines de blessés, mais la ville est perdue. Il fait alors un constat : l'homme est de plus en plus sédentaire, déconnecté des réalités qui l'entourent ; à quoi bon être civilisé si cela nous coupe de la vie ?
Communément admis comme étant l'élément déclencheur qui a poussé Hébert à découvrir l'hébertisme, cet événement n'est qu'un indice significatif qui rappelle la devise "être fort pour être utile". Par ses nombreux voyages en tant que marin, G. Hébert a pu s'inspirer de beaucoup d'éléments différents. Nous pouvons citer ses rencontres avec les populations indigènes vivant au contact de la nature, sa visite des premières salles de musculation aux Etats Unis, ses échanges avec les plus grands scientifiques comme Georges Démeny, son amitié avec Paul Carton grand spécialiste de la médecine naturelle et du grand air, ses échanges aussi bien avec les spécialistes de la lutte bretonne qu'avec les maîtres japonais du judo et du jiujitsu... Toutes ces rencontres ont inspiré et forgé son oeuvre.
1905+
Expériences avec des publics variés
Entre 1905 et 1913 Georges Hébert va pouvoir mettre en application sa méthode et la perfectionner . La méthode naturelle est non seulement pratiquée par des jeunes hommes et des hommes faits, mais aussi par des adolescents de moins de dix-huit ans à l’École des mousses (1200 élèves) et à l’École des apprentis mécaniciens (675 élèves) ; enfin par des enfants de sept à quatorze ans à l’École des pupilles de la marine (650 orphelins).
Enfin entre 1907 et 1911 Georges Hébert a pu chaque année, entraîner et suivre l’évolution de 600 à 800 "apprentis fusiliers" engagés volontaires ayant entre dix-huit et vingt et un ans auquel il faut ajouter une cinquantaine de novices de seize à dix-sept ans provenant de l'école des mousses.
A partir de 1911, à l’École des Gabiers de Brest, plus d'un millier d'apprentis de vingt ans en moyenne bénéficieront pendant huit mois de la méthode naturelle.
Enfin il est intéressant de voir les prodigieux résultats obtenus avec les élèves de la marine marchande. En 1910, après six mois d'entraînement et à raison de 3h30 hebdomadaires, la moyenne aux douze épreuves des 35 élèves est de 27,90.
Les résultats obtenus, sérieusement consignés et répertoriés vont attirer les regards sur Georges Hébert et sur la prodigieuse efficacité de la méthode naturelle. Telle est l’origine de sa renommée.
1910
DEMENY et HEBERT collaborent
Georges DEMENY, célèbre physiologue et inventeur de la chronophotographie, aura beaucoup œuvré à la compréhension du mouvement. Après s'être opposé à G. HEBERT, il lui apporte sa collaboration en 1914.
1913
Création du collège d'athlètes de Reims
Le collège d'Athlètes de Reims est un parc prêté à G. Hébert par un mécène, le Marquis de Polignac, pour qu'il puisse développer sa méthode dans un milieu extra-militaire. Parmi les athlètes qui s'y entraînent se trouve Jean-Bouin, qui deviendra champion olympique d'athlétisme. Une particularité notable est qu'il s'entraînait à la fois dans ses spécialités (course et saut essentiellement) mais suivait également une préparation physique générale avec la méthode naturelle.
Il existe une annexe féminine du Collège d'Athlète. Sa monitrice en chef sera Yvonne MOREAU, la future Mme HEBERT.
Une popularité immédiate
Des caravanes de visiteurs ont parcouru le Collège d’athlète de Reims (fondé le 1er avril 1913) pendant ses huit premiers mois d'existence. Reporters et photographes ont appris au public ce qu’est ce « conservatoire de santé » et comment il fonctionne.
Une reconnaissance médicale
Très rapidement succèdera une cohorte de médecins attirés par cette étrange renommée. Deux cent cinquante médecins de Paris et des régions voisines visiteront le Collège d’athlète en décembre 1913. Le rapporteur le Docteur Bouquet qualifie la méthode naturelle de : « méthode d’éducation physique qui peut passer pour l’une des plus rationnelles et des plus parfaites que nous connaissions ».
Une reconnaissance institutionnelle
Dès juillet 1914, dans la revue pédagogique, Octave Forsant Inspecteur de l’enseignement Primaire qualifie avec enthousiasme et arguments la supériorité scolaire de cette nouvelle méthode.
1913
Le Congrès International de l'Éducation Physique
Le Congrès International de l’Education physique tint ses assises à Paris en mars 1913, sous la présidence du professeur Gilbert., de l’académie de médecine.
Des démonstrations de la méthode naturelle furent conduites sous la direction du Lieutenant de vaisseau Hébert qui présenta 350 sujets : 100 enfants de 9 à 15 ans, 150 adolescents de 15 à 17 ans; 100 jeunes gens de 17 à 21 ans. Les trois stades de la jeunesse étaient ainsi représentés : enfance, adolescence et âge adulte.
Sans sortir d’une objectivité rigoureuse, au vu de très nombreux témoignages de presse et du témoignage de personnalités de premier plan, on peut certifier que la méthode naturelle affirma d’emblée sa supériorité sur toutes les autres et rallia la presque absolue majorité des suffrages.
1914
Hébert s'illustre à la bataille de Dixmude
Le 19 Octobre 1914, G. Hébert, commandant alors une compagnie de fusiliers marins, est blessé par balle près de Dixmude. Il est cité à l'ordre du jour : "blessé grièvement à Beersten, maintenant avec courage sa compagnie sous un feu violent". Son nerf radial est sectionné. Rapidement, la blessure s'infecte d'érysipèle et son bras devient gros comme sa cuisse.
Après dix mois d'hôpital, il perd l'usage de son bras. Sa force mentale lui permit plus tard de récupérer une grande partie des mouvements perdus.
Le livre les demoiselles au pompon rouge raconte très bien ce récit. G. Hébert recevra la croix de guerre pour cette bataille.
1916
Création du parcours du combattant
En Octobre 1916, alors qu'il n'est pas encore guéri, il est appelé à diriger successivement l'instruction d'un groupe du génie militaire, d'une école de grenadiers, puis des autres armées. Il crée des centres d'instructions sur tout le front, malgré la ferme opposition de l'école de Joinville. Il publie en 1918 son premier livre à l'attention de l'instruction physique pour les officiers.
Hébert développe un nouveau mode d'entraînement, normalisé, le parcours du combattant. Cet outil permettra à n'importes quels moniteurs d'entraîner efficacement un groupe de militaire.
1919
Ouverture de la première palestra
Réunis autour de G. Hébert, un groupe de monitrices du collège d'Athlète de Reims fonde la première palestra. Soutenus par M. Le HOC, maire de Deauville, et M. HELITAS, préfet du Calvados, les monitrices hébertistes obtiennent en 1918 un terrain situé au sud-ouest du golf de Deauville, à deux kilomètres du centre ville, à 200 m de la plage.
Les palestras sont des camps auxquels participent femmes et enfants.
Il publie en 1919 sous le nom de "Muscle et beauté plastique féminine" un livre sur l'application de la méthode naturelle à l'intention de l'éducation physique des femmes.
1921
Mariage entre Georges et Yvonne
Hébert se retire de la politique liée à l'hébertisme et se consacre à l'écriture de ses livres et au perfectionnement de sa méthode ainsi qu'à sa diffusion par la création de centres hébertistes.
Avec Yvonne l'éducation des enfants prend une autre tournure, accentuant les principes tels que "laisser la joie s'exprimer" et la "liberté complète d'action même en travail collectif".
1925
Première Palestra nautique
S'inspirant de l'expérience de 2 hébertistes ayant traversée la mer Égée à la voile (Hermine de Soussure et Marthe Ouliée), Georges et Yvonne lancent la première Palestra nautique, sur l'Alcyon, un trois mâts goélette de 160 tonneaux.
1936
Version finale du premier livre sur la méthode naturelle
Le tome 1 définissant la doctrine de la méthode naturelle paraît dans sa version finale pour la Xème édition et devient la référence en hébertisme.
Ce livre est fondamental dans l'œuvre d'Hébert puisqu'il en décrit l'essence. C'est d'ailleurs l'un des motifs qui conduisent certaines études historiques comme celles de Villaret et Delaplace à des inexactitudes sur la méthode, se concentrant sur le manuel de 1907 et oubliant de parler de l'oeuvre achevée.
En effet dans son premier ouvrage publié en 1907 chez Vuibert, L'éducation physique raisonnée, Hébert ne décrivait alors que 8 familles d'exercices dont des exercices dits "analytiques", fruit de l'influence alors encore présente dans les écrits d'Hébert de la gymnastique suédoise.
Plus tard, Hébert dira avoir regretté d'intégrer ces exercices à ce livre, puisqu'ils apportaient de la confusion à la compréhension de sa méthode.
1940
Sous l'occupation
Le régime de Vichy institutionnalise le sport dans l'éducation dans le but de créer des champions pour les jeux. La pratique de la méthode naturelle est elle aussi renforcée par le régime qui veut faire des êtres forts.
G. Hébert refusera à plusieurs reprises d'intégrer le gouvernement pour y développer sa méthode. L'histoire familiale raconte également que la Palestra, située à Paris, ainsi que la maison familiale servirent à cacher des juifs pendant l'occupation.
1950+
Déclin de l'hébertisme
Après les années 50, l'hébertisme disparaît progressivement de l'éducation. Les moniteurs mal formés par le Régime de Vichy et le besoin de "passer à autre chose" après la 2ème grande guerre, ont œuvré à la disparition de la M.N.
Il subsistera cependant dans deux corps de métiers ou le savoir-faire se transmet : les forces spéciales, et les compagnies de théâtre, notamment chez Jacques Copeau, à l'école du vieux colombier.
Ce transfert de l'hébertisme vers le milieu du théâtre avait été totalement ignoré par les historiens du sport.
Dans l'armée, l'abandon de la M.N. se fait après les guerres d'Indochine et d'Algérie, périodes de relative paix. La nouvelle "doctrine de Fontainebleau" prévoyait désormais que l'armée serve à prolonger l'action de l'éducation nationale dans le domaine du sport et brille de cette manière à l'étranger.
Ainsi, avec l'instauration de "l'histoire du sport" dans les années 80, l'œuvre de G. Hébert devenait l'objet d'une histoire passée.
La place fut ainsi laissée au sport de haut niveau dont l'intérêt commercial et divertissant du spectacle était mis en valeur depuis les années 1920.
(P-P. MEDEN, 2017, du sport à la scène, introduction)
2000+
Renouveau de l'hébertisme
Depuis les années 2000, l'hébertisme suit un retour en force à la fois dans le monde civil (le parkour, freerunning, MovNat et PaléoFitness sont des enfants de la M.N.) et militaire auprès des moniteurs experts EPMS (Entraînement Physique Militaire et Sportif).
Dans l'armée, ce retour s'explique suite à la guerre d'Afghanistan (2001) et le recours nécessaire à des méthodes plus efficaces pour préparer les militaires.
Répondant à une quête de sens de nos contemporains, partagée par le Centre Hébertiste d'Orléans, l'hébertisme apporte des valeurs de lien social, d'entraide et favorise un retour raisonné à la nature.
Ainsi, le retour de l'hébertisme s'explique par son essence. C'est une œuvre d'écologie intégrale qui prend aujourd'hui un sens tout nouveau dans les enjeux environnementaux et sociaux actuels.
sources
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P. PHILIPPE-MEDEN, du sport à la scène, presses universitaires de Bordeaux, 2017
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L'éducation Physique, numéro spécial d'hommage à G. Hébert, 1958
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G. Hébert, L'éducation physique ou l'entraînement complet par la Méthode Naturelle historique documentaire, Vuibert, 1947
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Villaret et Delaplace, La Méthode Naturelle de G. Hébert, 2004